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Fêtes et rituels des feux de la Saint-Jean
CIRDOC-Institut occitan de cultura

Si la Saint Jean se fête le 24 juin, ses rituels sont liés à la période du solstice d’été (21-22 juin) qui représente dans l’hémisphère nord la nuit la plus courte et le jour le plus long de l’année marquant le début de l’été.
« Les deux Saint-Jean partagent l'an, un jour bien court, l'autre bien long. »

1/ La pratique aujourd’hui

La Saint Jean est aujourd’hui fêtée dans de nombreuses régions en France et à l’étranger. On trouve ainsi des célébrations de cette fête dans le Poitou, le long de la Loire, dans l’Oise, la Bresse, la Creuse ou encore en Bretagne, à Metz, en Gironde et en Charentes mais aussi en Catalogne et en Occitanie.
Les types de croyances et de pratiques liées à cette fête varient en fonction du lieu mais la période, le feu et l’eau restent des éléments de base communs à tous. Dans certains endroits la coutume était de chanter autour du feu (Bretagne), de balancer son enfant au-dessus du feu pour lui assurer une croissance rapide (Charentes), de tourner autour du feu pour s’éviter les maux de reins (Bresse) ou trouver mari ou femme (Creuse), etc.
En Catalogne et aux Îles Baléares il est de tradition que les enfants préparent le feu de la Saint Jean pendant un mois avant la date en amassant des objets en bois et les entassant sur la place du village ou en les disséminant dans différents endroits pour ne pas que les agents de police ou les pompiers les leurs enlèvent et empêchent le feu d’être allumé pour des raisons de sécurité. Il faut donc braver l’interdit avec la complicité des adultes pour pouvoir allumer ce feu. À certains endroits ce sont les jeunes filles qui sont chargées d’allumer le feu. Ensuite la fête peut commencer avec chants, danses, coca et cava. Il est aussi de tradition de faire péter des pétards à cette occasion.
La flamme du Canigou est une autre des traditions de la Saint Jean en Catalogne créée en 1955 par Francesc Pujades. Elle se perpétue encore aujourd’hui et est devenue une expression du sentiment populaire.
En Occitanie, il existe aussi une tradition de la Saint Jean qui peut s’appeler Sant Jan, Sant Joan, Fèstas Janencas, joanencas… Les caractéristiques de ces fêtes sont l’eau, la cueillette d’herbes aux vertus prétendument magiques à cette date (l’achillée millefeuille, l’armoise, la joubarbe, le lierre terrestre, la marguerite sauvage, le millepertuis et la sauge) et enfin le feu et le bûcher qui peut prendre différentes formes architecturales. C’est autour de ce bûcher que se déroule la fête (chants, danses, sauts au-dessus du feu etc.).

2/ Apprentissage et transmission

Organisés dans l’objectif de transmettre les gestes et les traditions liés aux feux de la Saint-Jean, certains événements ont depuis peu été intégrés dans le programme Total Festum, permettant de leur apporter plus de visibilité. C’est notamment le cas d’un événement organisé à Villefranche-de-Conflent où les enfants et les adhérents des associations locales sont pleinement invités à participer aux festivités avec des activités adaptées à chacun des publics.
Les associations prennent en charge l’organisation de la descente de la flamme, proposant ainsi un événement intergénérationnel permettant à chacun de prendre part à la fête et d’intégrer et transmettre ces rituels.

3/ Historique

La Saint Jean d’été est une tradition ancestrale célébrée par de nombreuses civilisations qui trouve son origine dans la pratique du culte au soleil.
Elle pourrait venir de cultes celtes et germaniques mais on trouve des traces de ces célébrations dans d’autres régions du monde comme la Syrie, la Phénicie ou encore la Russie.
L’église catholique a ensuite christianisé ces fêtes païennes en remplaçant les anciens dieux païens par des saints et en interdisant certains rituels comme les baignades nocturnes et les pratiques magiques.

4/ Sauvegarde

Les fêtes de la Saint Jean ont connu de nombreuses apparitions et disparitions mais depuis 2006 l’appel à projets Total Festum lancé par le Conseil Régional Languedoc-Roussillon et aujourd’hui poursuivi par la Région Occitanie / Pyrénées-Méditerranée a créé les conditions pour une forte redynamisation des rituels liés au solstice d’été.
D’un autre côté, ont été inscrites en 2015 sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO les fêtes du feu du solstice d'été dans les Pyrénées (France, Andorre, Espagne).
Ces fêtes bénéficient ainsi de mesures de sauvegarde fortes, et d’un contexte politique et social encourageant leur résurgence.

5/ Acteurs de la pratique

À l’heure actuelle le Théâtre des Origines, compagnie créée en 2004, a mis sur pied un projet intitulé “Temporadas” au sein duquel sont restaurés les rituels festifs saisonniers comme la Saint Jean.
Ces spectacles itinérants permettent aux partenaires locaux et au publics de se réapproprier les codes liés à cette tradition et de donner ou redonner du sens à ces célébrations.
D’autre part, le comité international Flamme du Canigou oeuvre pour la transmission et la valorisation de la tradition du feu de la Saint Jean en Catalogne et au-delà.

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Feux de la Saint-Jean en Occitanie et en Catalogne
CIRDÒC - Mediatèca occitana
Aux éléments déjà mentionnés dans l'article concernant les Feux de la Saint-Jean au Brésil et en Occitanie (voir ICI) nous pourrions ajouter quelques hypothèses et pistes de réflexion en ce qui concernent les similitudes existantes entre les commémorations de la Saint-Jean en Catalogne et en Occitanie.

La proximité géographique, linguistique et culturelle entre Catalogne et Occitanie s'exprime également dans les similarités rencontrées dans les rites de célébration des Feux de la Saint-Jean. Dans son ouvrage paru en 1949 (Folklore français, tome II) Arnold Van Gennep dresse la liste des régions françaises pratiquant ou ayant pratiqué l'embrasement de feux à l'occasion de la Saint-Jean d'été. Dans la liste qu'il dresse alors figurent tant les régions occitanes que la Catalogne française. Les informations transmises à ce sujet par le folkloriste, ainsi que par la suite par Pierre-Jean Fabre dans son ouvrage sur les Feux de la Saint-Jean en Provence, témoignent encore pour la première moitié du XXe siècle d'une similarité de formes entre Catalogne et Pays d'Oc. Figurent ainsi en bonne place la trilogie du feu, des herbes et plantes, et de l'eau.
 
Déjà fragilisée du temps de Van Gennep, cette coutume semble en passe de disparaître dans l'ensemble de ces régions aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, se maintenant difficilement dans quelques espaces isolés. Cependant, alors même que cette tradition semble menacée, des initiatives nouvelles permettent au contraire à celle-ci de connaître une réelle renaissance, tout particulièrement en Catalogne française, berceau de ce renouveau, et en Provence.

L'initiative de l'embrasement d'un bûcher au sommet du Pic du Canigou, aujourd'hui devenu l'un des moments phares de cet événement date dans la région, semble avoir été portée à l'origine par François Pujade, habitant d'Arles-sur-Tech en 1955. Les feux de la Saint-Jean sur le Canigou se confirmèrent les années suivantes, gagnant progressivement d'autres collines catalanes. Si cette tradition semble nouvelle en ce qui concerne ce massif catalan, cet embrasement vient en fait se greffer sur des pratiques anciennes, connues par le passé tant en Catalogne qu'en Occitanie. Notons à ce sujet ce passage de Mirièio de l'auteur provençal Frédéric Mistral qui évoque en 1859 l'illumination des collines par les feux et bûchers de la Saint-Jean :

"Saint Jean ! Saint Jean ! S'écriaient-ils. / San Jan ! Sant Jan Sant Jan ! Cridavon. »

« Toutes les collines étincelaient / Tòuti li colo esbrihaudavon. »

« Comme s'il avait plus des étoiles dans les ombres ! / Coume s'avié plóugu d'estello dins l'oumbrun !"

« Cependant la rafale folle / Enterin la Flamado folo »

« Emportait l'encens des collines / Empourtavo l'encèns di colo »

« Et la rouge lueur des feux / Emé di fiò la rougeirolo »

« Vers la Saint planant dans le bleu crépuscule." / Vers lou Sant, empla dins lou blu calabrun. »  Frédéric Mistral, Mireille. Chant VII, 1859.    


Dès 1963, cette tradition fut entretenue et vivifiée par le Cercle des Jeunes Gens, instaurant la veillée du feu puis son transport le lendemain jusqu'au Palais des Rois de Majorque, au cours du "Rey del foc" initié par Jean Iglesis.  

Le renouveau catalan observé dès les années 1950-1960, se propage progressivement en terres occitanes et tous particulièrement en Provence, deux régions d'ailleurs historiquement liées. Dans les années 1980, les feux de la Saint-Jean connaissent ainsi un renouveau dans cet espace grâce à l'influence directe des Catalans de Salon-de-Provence, qui redonne vie au bûcher provençal en faisant appel pour cela à la flamme du Canigou.

À compter de 1981 est créée une Maintenance des feux de la Saint-Jean et dès 1985, une branche provençale voit le jour afin de maintenir les liens ainsi créés. Entre 1985 et 1986, des fagots de bois, "li balaus de Sant-Jan", rassemblés par de petits provençaux et enrubannés aux couleurs de leur région, participent d'ailleurs à l'ascension du Canigou à l'occasion de la Saint-Jean d'été, et viennent rejoindre le bûcher. L'opération prend l'appellation de "Li recampado di Prouvençau au Canigou". Les relations fondées dans les années 1980 se maintiendront jusqu'à nous. La Maintenance provençale reçoit ainsi chaque 23 juin à midi, les coureurs de Saint-Cannat. Au terme d'une course de relais de trois jours, ceux-ci rejoignent Arles au départ de la Casa Peiral de Perpignan. Ils y remettent alors la flamme du Canigou qui servira le soir même à embraser le bûcher.    


Pour en savoir plus :

FABRE, Pierre-Jean ; La Saint-Jean en Provence ; [S.l.] : Comité de Provence des mainteneurs des feux et traditions de la Saint-Jean, [1987?]

VAN GENNEP, Arnold ; Le folklore français, tome 2. Paris : R. Laffont, 1999.

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Les fêtes de la Saint-Jean en Occitanie et dans le monde
CIRDÒC-servici question-responsa

Votre question : Existe-t-il un lien entre les fêtes de la Saint-Jean en Occitanie et les fêtes de la Saint-Jean au Brésil ?

 



En Occitanie comme au Brésil, ainsi que dans de nombreux pays dans le monde, la nuit du 23 au 24 juin est l'occasion de nombreuses festivités autour de la naissance du saint Jean-Baptiste. Ces différentes commémorations paraissent reposer sur un socle commun, aux origines semble-t-il très anciennes, aujourd'hui métissé selon les espaces, de coutumes locales spécifiques.

 

 



Fêtes de la Saint-Jean brésiliennes et occitanes

 

La fête de la Saint-Jean brésilienne fut instaurée dans le pays par les Portugais, qui colonisèrent le Brésil dès le début du XVIe siècle, important avec eux leurs coutumes et fêtes traditionnelles. A l'instar du Portugal, le Brésil instaure alors « las Festas juninas », du 12 au 29 juin, festivités durant lesquelles est tour à tour rendu hommage à saint Antoine, saint Jean (nuit du 23 au 24 juin) ainsi qu'aux saints Pierre et Paul. Pays dont plus de la moitié des habitants est de confession catholique, le Brésil perpétue aujourd'hui encore ces commémorations.


Ces fêtes, inscrites dans le calendrier cérémoniel chrétien, furent dans ce pays métissées de nombreuses coutumes locales, issues des rites et traditions anciennes et païennes. La Saint-Jean y est notamment l'occasion de feux et de danses, dont l'une, le « Quadrilha », tire son origine du quadrille français.

 

La France, et notamment le pan occitan de son territoire, compte aujourd'hui encore de nombreux espaces où se commémore toujours la Saint-Jean. Ces fêtes demeurent de fait principalement actives en Provence, en Roussillon ainsi qu'en Bretagne. Nous trouvons dans différents ouvrages des indications concernant la pratique de la Saint-Jean et tout particulièrement la coutume des feux qui accompagnent communément cette fête (cf. Van Gennep, Arnold ; Le folklore français, tome 2. Paris : R. Laffont, 1999 ; Fabre, Pierre-Jean ; La Saint-Jean en Provence ; [S.l.] : Comité de Provence des mainteneurs des feux et traditions de la Saint-Jean, [1987?]).

Pierre-Jean Fabre nous renseigne ainsi sur les modalités de la Saint-Jean en Provence dans le courant des années 1980. La Saint-Jean d'été, commémorant la naissance de saint Jean-Baptiste, dans la nuit du 23 au 24 juin, s'accompagne selon lui d'un certain nombre de pratiques à vertus purificatrices, associant trois éléments : l'eau, les plantes (pour bon nombre d'entre elles médicinales), et le plus important d'entre eux, le feu.

 



 

Origines de la Saint-Jean

 

La présence d'une importante communauté occitane au Brésil pourrait-elle être à l'origine de coutumes et pratiques communes aux festivités de la Saint-Jean dans ce pays et dans la zone occitane ? De nombreux Occitans, notamment aveyronnais et béarnais, immigrèrent bien au cours des XVIIIe et XIXe siècles en Amérique du Sud, apportant avec eux langue et coutumes. La ville de Piguë constitua ainsi durant longtemps une enclave occitane en Argentine. Toutefois, le Brésil représenta moins que l'Uruguay, l'Argentine ou le Chili une terre d'accueil pour ces immigrants, en dépit de politiques parfois volontaristes de la part de l'État brésilien en ce sens (à ce sujet, consulter l'ouvrage d'Henry de Charnisay, L'émigration basco-béarnaise en Amérique , Biarritz, JetD éditions, 1996; pp,213-215).

 

Il semble donc falloir chercher dans les origines de la fête elle-même pour comprendre les similarités, mais également les disparités existantes entre Saint-Jean brésilienne et Saint-Jean occitane. A l'instar du Brésil ou de la France, de nombreux pays dans le monde célèbrent la Saint-Jean. Outre le Portugal, l'Italie mais également les pays baltes (Estonie, Lettonie, Lituanie) et scandinaves (Suède notamment, mais aussi Finlande et Norvège) célèbrent ainsi la nuit du 23 au 24 juin. Cette pratique touche donc des zones culturelles très variées, mais dans lesquelles le christianisme est implanté de longue date.

 

La Saint-Jean s'inscrit effectivement dans le calendrier cérémoniel du christianisme. Dès 506 après J.-C., le Concile d'Agde comptait la Saint-Jean comme l'une des principales fêtes chrétiennes aux côtés de Noël,  la Pâque, l'Ascension et Pentecôte. Elle donnait d'ailleurs lieu à la célébration de trois messes comme pour Noël. Tout comme le 25 décembre, la Saint-Jean commémore d'ailleurs, non pas un décès (comme c'est le cas de la majorité des fêtes dans le calendrier chrétien), mais une naissance, celle de saint Jean-Baptiste. Les similarités entre ces deux fêtes tiennent également à leur proximité avec le calendrier solaire et les solstices, d'hiver pour Noël et d’été pour la Saint-Jean.

 

À ce sujet, les avis des ethnologues et anthropologues s'étant penchés sur les traditions et coutumes de la Saint-Jean différent. Le folkloriste Van Gennep réfute ainsi la thèse d'une proximité entre ces deux fêtes et la nature solaire et solsticiale de la Saint-Jean, à l'inverse de nombreux autres auteurs, dont le Provençal Pierre-Jean Fabre, prenant pour appui le calendrier julien (calendrier initié sous Jules César), afin de souligner que tant la Saint-Jean d'été que Noël tombaient exactement huit jours avant le premier du mois suivant « le 24 juin est le VIII des calendes de Juillet, le 25 décembre est le VIII des calendes de Janvier » (P.-J. Fabre, La Saint-Jean en Provence, op.cit, p.42), dates qui sont également celles des deux solstices dans le calendrier julien. Notons à ce sujet que le Brésil, situé dans l'hémisphère sud, célèbre la fête alors que s'annonce la saison non pas estivale mais hivernale.

 

Les origines de la Saint-Jean, aujourd'hui fête chrétienne, semblent donc à rechercher, tout du moins dans le cas des pratiques qui l'accompagnent tels les feux rituels, dans des coutumes plus anciennes et païennes, pratiques pour la plupart transmises oralement et remontant à des temps très reculés : les traces écrites les plus anciennes les concernant remonteraient à 1181 en Allemagne selon Van Gennep (Folklore de France, tome 2. op.cit.), et 1165 selon Fabre (La Saint-Jean en Provence, op.cit, p.42). Il est de fait difficile de définir clairement les origines de la Saint-Jean qui présente selon les endroits de nombreux points communs, mais également des disparités.

 

Notons toutefois que ces festivités s'inscrivent majoritairement dans une démarche de ritualisation et de socialisation. Tel est notamment le cas des feux, réunissant autour d'eux une grande part de la communauté (par exemple en Catalogne, avec le grand feu sur le Canigou). [Au sujet des feux rituels dans le cadre de Noël et du solstice d'hiver, consulter également : http://occitanica.eu/omeka/items/show/1818)]. La présence récurrente de traditions, telles la cueillette de plantes médicinales et thérapeutiques, l'aspersion d'eau sur les autres, les feux et braises,  renvoient pour leur part à la dimension dite purificatrice de cette fête, elle aussi présente dans les différents espaces qui commémorent la Saint-Jean.

 

 



Pour en savoir plus :

CHARNISAY, Henry de, L'émigration basco-béarnaise en Amérique , Biarritz, JetD éditions, 1996

FABRE, Pierre-Jean ; La Saint-Jean en Provence ; [S.l.] : Comité de Provence des mainteneurs des feux et traditions de la Saint-Jean, [1987?]

VAN GENNEP, Arnold ; Le folklore français, tome 2. Paris : R. Laffont, 1999.